Du bidonville au logement social – Le combat de la famille C/R

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A leur arrivée en France en 2010, Monsieur C. et Madame R., de nationalité roumaine, n’ont pas d’autre choix que de s’installer sur un bidonville de la commune de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Deux mois après leur installation sur le territoire français, le couple fait venir son fils S., âgé de 2 mois à l’époque, qui était resté avec des proches en Roumanie. Malgré l’arrivée du bébé, la famille est obligée de rester sur le bidonville, en l’absence de possibilité d’hébergement. En 2012 la famille s’agrandit avec la naissance de leur fille P.

C’est seulement quatre ans plus tard que la famille accède enfin à de l’aide. Elle est soutenue par l’association ECODROM qui les accompagne dans certaines démarches. L’accès au droit commence : les enfants sont scolarisés et des droits à la sécurité sociale sont ouverts. Après encore quelques mois d’attente, la famille obtient l’Aide Médicale d’Etat.

Rencontre avec ACINA : L’aller vers et le tissage d’un lien de confiance

En mars 2022, ACINA organise une visite de terrain sur le bidonville dit du “15 bis”, à Montreuil. L’équipe de Seine-Saint-Denis rencontre alors la famille C/R, vivant dans l’une des baraques de fortune construites à la main. Tout de suite, la famille exprime le souhait de trouver un hébergement. Le bidonville est un lieu de vie insalubre : il n’y a pas de sanitaires, ni de poubelles, d’eau courante ou encore d’électricité… Pour une famille avec des enfants en bas âge, l’endroit est inadapté et crée des freins dans l’insertion socio-professionnelle du ménage. 

Madame R se souvient : 

« Sur le bidonville, c’était très difficile au début : pas d’électricité, on a construit une baraque avec nos mains, il y avait de grands rats à l’intérieur. On a mis de l’argent en commun pour acheter un moteur et de l’essence pour avoir un peu d’électricité le soir. Au début, il n’y avait pas d’eau courante, on devait aller quelque part loin pour récupérer de l’eau. On se lavait dans une cuvette, dehors, dans le froid… »

Les deux enfants, scolarisés depuis qu’ils sont en âge de l’être, grandissent en bidonville tout en ayant une scolarité relativement stable et ininterrompue. Cependant, la famille se souvient de certaines périodes difficiles durant lesquelles le bidonville était inondé, impraticable, boueux et dangereux. Les enfants doivent s’absenter de l’école, faute de ne pouvoir s’y présenter correctement. La vie en bidonville est un frein dans l’insertion de la famille qu’ils doivent sans relâche dépasser pour maintenir la scolarisation de leurs enfants. La petite dernière, E, née en décembre 2023, demeure quotidiennement avec ses parents.

Les travailleur.euses sociaux mettent en place une dynamique “d’aller-vers” en proposant un accompagnement, permettant d’une part à la famille d’être informée sur ses droits et d’engager de manière plus autonome les démarches pour y accéder. D’autre part, l’aller-vers permet de tisser lentement mais sûrement un lien de confiance qui assurera par la suite un suivi de qualité dans l’accompagnement socio-professionnel de la famille. Depuis, la famille a des rendez-vous réguliers avec l’association, elle est volontaire et s’implique dans son accompagnement.

Appui aux démarches sociales et à l’insertion professionnelle

La famille reste active tout au long de l’accompagnement. Avec ACINA, des démarches constructives sont peu à peu effectuées. La famille est domiciliée à Montreuil jusqu’en 2025.

En ce qui concerne l’insertion professionnelle, Madame R. a fait une formation de français de 2-3 mois. En 2017, elle a été accompagnée par l’association ECODROM pour s’inscrire et suivre une formation : “Compétence de base professionnelle”. Depuis 2015, Monsieur C. effectuait divers contrats de travail. Après ces diverses expériences, Monsieur a signé un CDI dans le BTP, a travaillé dans l’entreprise pendant 2 ans, mais a fini par être licencié pour raisons économiques car l’entreprise a fait faillite. Il perçoit encore à ce jour l’ARE (allocation d’Aide au Retour à l’Emploi) . L’investissement de Monsieur dans son insertion professionnelle lui a permis d’améliorer son niveau de français et de construire un début de projet professionnel.

C’est avec ACINA que Monsieur reprend son insertion professionnelle à la suite de son licenciement. L’association accompagne Monsieur dans ses démarches liées à France Travail, facilite la collaboration avec son conseiller et veille à ce que Monsieur reste demandeur d’emploi, tout en travaillant sur l’autonomisation déjà bien présente de Monsieur. A la suite d’un problème de communication, une cessation d’inscription à France Travail a lieu, son allocation étant temporairement suspendue. ACINA accompagne Monsieur pour régler ce problème, tout en le soutenant dans sa recherche d’emploi. A l’heure actuelle, un rendez-vous est prévu pour actualiser le CV de Monsieur. Monsieur continue de venir régulièrement aux rendez-vous avec ACINA et projette de trouver un nouvel emploi.

Acina assure également le maintien des droits du ménage, notamment à la sécurité sociale à laquelle Monsieur, Madame et les enfants sont inscrits au régime général, ainsi qu’à la CSS. De même, la situation administrative de la famille est à jour. Monsieur et Madame effectuent leur déclaration d’avis d’imposition avec ACINA de manière régulière. Ils bénéficient à ce jour de prestations CAF (allocations familiales, allocation du jeune enfant et RSA), après de longues périodes de blocage. C’est par des rendez-vous réguliers avec la famille que les blocages ont été résolus et les prestations rétablies. L’association a effectué de nombreux appels et suivis de courriers avec la CAF, ainsi que des réponses aux contrôles envoyés par la CAF afin de rouvrir les droits aux prestations. ACINA a également accompagné la famille dans une demande de prestation APL et dans ses déclarations de ressources trimestrielles.

Du bidonville au logement social : un parcours vers le logement réussi

Depuis quelques mois, le bidonville sur lequel la famille s’est installée est en cours d’expulsion. La famille se retrouve dans une situation d’extrême vulnérabilité face à l’annonce de la perte de leur lieu de vie. Une première demande de logement social avait été faite le 17/10/2015, en amont de l’accompagnement sociale à ACINA, ce qui avait permis à la famille d’avoir une proposition de logement en mai 2023, soit après presque 8 ans d’attente, qu’elle avait été contrainte de refuser car il était trop éloigné des établissements scolaires des enfants ainsi que du lieu de travail de Monsieur.

En 2024, grâce à l’accompagnement d’ACINA, un compte en ligne est créé permettant d’actualiser la demande de logement social de manière plus efficace. Un DALO est envoyé quelque temps après afin de tenter d’obtenir un statut prioritaire pour un logement social et d’ainsi réduire le temps d’attente sur le bidonville. En mars 2024, la famille se voit refuser le DALO. Avec l’appui juridique d’ACINA, la famille effectue un recours gracieux pour contester la réponse. En mai 2024 et grâce aux démarches juridiques effectuées conjointement par la famille et ACINA, la famille est reconnue prioritaire DALO par la commission du droit au logement opposable.

Cette victoire donne espoir et encouragement à la famille dans leur cheminement vers un lieu de vie sain et pérenne.

En août 2024, Est Ensemble habitat propose un logement social a la famille, qui s’y installe quelques semaines plus tard. ACINA accompagne la famille dans les démarches administratives nécessaires pour occuper leur nouveau logement, en collaboration avec la mairie de Montreuil. Les démarches suivantes sont effectuées : communication avec le bailleur pour trouver une date d’entrée en logement adaptées aux disponibilités de la famille partie en Roumanie pour renouveler leurs pièces d’identité, souscription à une assurance habitation, accompagnement pour la signature du bail, souscription à une offre de gaz et d’électricité, demande d’aide personnalisée au logement auprès de la Caf. Après l’installation de la famille dans leur premier véritable logement, ACINA continue d’accompagner le ménage dans leur vie quotidienne et leurs démarches administratives pour favoriser leur autonomisation et leur insertion. Bientôt, Madame, Monsieur et leurs enfants, pourront vivre en autonomie complète sans l’aide d’ACINA.

Madame R. signant son bail dans les locaux d’Est Ensemble Habitat à Montreuil. A sa droite, Andreea, travailleuse sociale pour Acina en Seine-Saint-Denis.

Et après ?

La famille est aujourd’hui bien installée dans son appartement T4. Une grande importance est accordée à l’aménagement de leur nouvel espace de vie, Madame est très satisfaite du logement : «  Nous avons notre propre bain, nous sommes propres, nous avons nos propres chambres, les enfants sont plus tranquilles. » Ils sont heureux et continuent leur l’accompagnement en insertion professionnelle. Monsieur C. vient à tous ses rendez-vous, il s’implique dans sa recherche d’emploi et se projette dans un nouveau poste. Madame R. se voit reprendre doucement le travail quand sa fille E. ira à l’école. Ce logement leur a apporté sécurité, stabilité et confiance en eux-mêmes ainsi que dans la suite de leur parcours. Ils se sentent prêts à continuer à évoluer.

Le parcours de la famille C/R fait état de constantes dans l’accompagnement proposé par ACINA  :

  • Une dynamique “d’aller-vers” permettant de construire un lien de confiance solide et pérenne
  • Un accompagnement proposé sur plusieurs volets (social, emploi, juridique, logement, etc.)
  • L’importance de la stabilité de l’hébergement et du logement pour l’avenir et la capacité de projection
  • Le rôle clé joué par le chargé de mission juridique dans l’accompagnement des personnes vers l’accès au droit et en particulier au logement, face aux refus d’accès aux droits fondamentaux.