
L’accès à un emploi stable est l’un des objectifs finals des parcours d’accompagnement d’ACINA. Pourtant, la vulnérabilité et l’exclusion, à laquelle les personnes vivant en habitats précaires (bidonvilles, squats) doivent faire face, constituent de véritables obstacles à l’insertion professionnelle. Pour les accompagner au mieux et lever les freins vers l’emploi, ACINA a reçu le soutien du programme national du Fond Social Européen Plus, Emploi – Inclusion – Jeunesse – Compétences, pour un projet intitulé “Ensemble pour l’insertion professionnelle des nouveaux arrivants en situation précaire”. De 2023 à 2024, ce projet a visé à mettre en place un accompagnement renforcé des personnes migrantes intra-européennes et réfugiées vers l’insertion professionnelle, via le financement de 40% de la rémunération des salarié.es d’ACINA, particulièrement impliqué.es sur cette mission.
Avec le soutien du FSE+ nos équipes de travailleurs et travailleuses sociales ont pu mettre en place et renforcer de nombreuses actions et méthodes d’accompagnement. Celles-ci continuent d’être menées et de porter leurs fruits, malgré les nombreux freins rencontrés. Pour y faire face, les équipes d’ACINA peuvent compter sur une approche de l’accompagnement qui se veut globale et sur le temps long, prenant en compte l’ensemble des difficultés vécues et exprimées par les personnes concernées.
Ainsi, parmi les accompagnements démarrés dans le cadre du projet, une grande partie ont débouché sur des emplois tandis que d’autres se poursuivent actuellement. À côté des réussites, il semble nécessaire de mettre en avant ces difficultés, propres aux conditions de vie des personnes en habitats précaires, qui constituent autant d’obstacles à leur insertion professionnelle. Face à celles-ci, nous souhaitons présenter comment les nouveaux arrivants, avec l’accompagnement de nos travailleurs et travailleurs sociales, parviennent à les surmonter.
Stabiliser les conditions de vie
La réalité des conditions de vie en bidonvilles et en squats impose une temporalité sur le temps long. Avant même de rechercher un emploi, les personnes rencontrées par nos équipes lors de nos visites d’allez-vers sollicitent souvent un accompagnement pour répondre à des besoins de première nécessité : accès à l’eau, à l’alimentation, à l’hygiène, aux soins médicaux et à l’hébergement. Faisant suite au premier « entretien diagnostic », les premiers mois d’accompagnement sont souvent consacrés à ces enjeux, puisque sans améliorations de ses conditions de vie, il n’est pas envisageable de s’insérer durablement.
Lorsque Madame B. sollicite l’accompagnement d’ACINA en décembre 2023, elle vit alors à la rue. Le 115 étant dans l’incapacité de la mettre à l’abri, en période de trêve hivernale, la travailleuse sociale référente de Madame institue un dossier DAHO (Droit à l’hébergement opposable), afin qu’une commission la reconnaisse prioritaire pour l’accès à l’hébergement. En parallèle, des acteurs associatifs partenaires proposant de l’hébergement solidaire sont sollicités. C’est ainsi que Madame B. reçoit une proposition des Bureaux du Cœur, une association se mettant en lien avec des entreprises mettant à disposition dans leurs locaux, des espaces de nuit pouvant accueillir des personnes dormant à la rue. S’il s’agit d’un hébergement solidaire provisoire où Madame vivra pendant plusieurs mois, il lui permet un moment de répit pendant lequel elle peut avancer sur ses démarches socio-professionnelles sans subir le stress permanent de ne pas savoir où dormir. L’accueil dans les bureaux d’une entreprise de Rueil-Malmaison, lui offrira même l’opportunité d’exercer une première expérience professionnelle au sein de l’équipe d’entretien des locaux.

Des freins administratifs et institutionnels majeurs
Les personnes accompagnées par ACINA rencontrent également de nombreux obstacles d’ordre administratif. Il peut s’agir de l’absence de couverture sociale, de difficultés à s’inscrire à France Travail mais aussi de difficultés liées à la fracture numérique ou à la barrière de la langue. L’accès à l’emploi nécessite alors de passer par des formations et de travailler, dans un premier temps, à l’orientation vers le droit commun. Dans bien des cas, ce sont les équipes de travailleurs sociaux et travailleuses sociales qui pallient ces blocages en réalisant un accompagnement individualisé et soutenu. Lors des dizaines d’entretiens individuels menés avec les personnes accompagnées, des démarches administratives sont réalisées pour ouvrir les droits à l’assurance maladie, à une complémentaire santé ou aux prestations sociales. Parfois, les situations et les blocages institutionnels nécessitent également un travail de médiation, passant par des appels téléphoniques, des recours ou encore par l’accompagnement physique des personnes auprès des différents acteurs institutionnels.
Autonomisation et développement des capacités
Les entretiens individuels sont aussi l’occasion d’un travail pédagogique et d’autonomisation. Afin d’envisager une insertion durable, il est en effet essentiel de connaître ses droits et de comprendre les démarches et le fonctionnement du système administratif français. Le partage et la transmission de l’information sont donc au cœur de la mission d’ACINA et nécessitent, une fois de plus, un accompagnement sur le long terme. En plus des entretiens individuels, c’est lors des ateliers collectifs, organisés chaque mois sur les différentes antennes, que se poursuit ce travail pédagogique et d’autonomisation. Les équipes de Paris, de Seine-Saint-Denis ou de l’Essonne ont ainsi organisé de 2023 à 2024, des dizaines de formations collectives sur des sujets allant de l’accès au logement, au fonctionnement de France Travail, en passant par des « ateliers C.V. »
Les ateliers dédiés à l’insertion professionnelle permettent d’apprendre à valoriser ses capacités ou ses expériences, même informelles, ainsi qu’à acquérir les compétences nécessaires à la recherche d’un emploi (rédiger un C.V., meneré un entretien d’embauche, etc.). C’est tout au long de cess entretiens individuels que les personnes construisent leur projet professionnel, ce qui implique de pouvoir aspirer à une profession, de se former et enfin, d’exercer. Il s’agit d’un travail qui demande souvent de prendre le temps et une savoir-faire approche spécifique, d’où la spécialisation des travailleurs et travailleuses sociales d’ACINA dans l’insertion professionnelle.
Un travail partenarial essentiel
Un autre frein à l’insertion professionnelle rencontré par les nouveaux arrivants est la barrière linguistique. Pour pallier cette difficulté, les travailleurs sociaux et travailleuses sociales orientent vers des formations organisées par des partenaires.
Madame B. qui ne maitrisait pas le français a été orientée vers l’Ecole Monique Apple. Cette association propose des cours de français dans le cadre du Parcours Linguistique à Visée Professionnelle (PLVP) de la ville de Paris. Il s’agit d’un programme dans lequel nous réalisons des ateliers d’insertion professionnelle en parallèle des cours de français.
À la suite de blocages de l’ANEF (Administration numérique des étrangers en France) qui l’empêchent de renouveler son récépissé de droit au séjour, Madame B. ne pouvait plus se réinscrire sur France Travail. Nous l’orientons alors vers un forum d’insertion professionnelle à destination des personnes réfugiées. C’est là qu’elle rencontre l’association du Pain et des Roses avec laquelle elle suit une formation d’assistante fleuriste pour femmes étrangères tout en suivant des cours de français.
Grâce au travail des équipes d’ACINA, et en particulier de leur travail partenarial, plusieurs participant.es ont pu accéder à un emploi ou une formation même sans être préalablement inscrits à France Travail, ou lorsque cette inscription rencontrait des blocages. Ce travail implique un suivi des offres et opportunités en Île de France et le maintien de liens avec les différents acteurs de l’insertion.
Un accompagnement adapté aux besoins spécifiques des femmes
En plus des freins abordés jusqu’ici, les femmes accompagnées font face à des difficultés qui leur sont propres : charge des enfants, isolement, précarité menstruelle, violences conjugales ou intrafamiliales ou encore faible estime de soi. Pour nombre d’entre elles, l’accès à l’emploi ne peut être envisagé qu’après une intervention sur ces freins multiples. L’appui du FSE+ a été déterminant pour permettre aux travailleurs sociaux et travailleuses sociales de déployer des actions ciblées (scolarisation des enfants, accès aux soins, accompagnement psychologique) et d’adapter les parcours aux réalités de chacune. Des ateliers en non-mixité choisie ont été et continuent d’’être organisés. Sur les différentes antennes ces derniers ont permis d’aborder le thème de la santé, notamment celui de la précarité menstruelle, ainsi que l’insertion professionnelle. De plus, des ateliers de socio-esthétique, de socio-coiffure et, de cuisine ont été mis en place pour que les femmes participantes puissent développer une meilleure estime de soi, rompent leur isolement et envisagent un projet professionnel personnel.
Des complications liées à la mobilité
Les personnes vivant en squats ou bidonvilles sont soumises à des expulsions fréquentes de leurs lieux de vie. Parfois, celles-ci les obligent à s’installer sur de nouveaux départements, voire de nouvelles régions. Cela implique des ralentissements des démarches administratives, le temps que les institutions transfèrent les dossiers aux branches locales (CAF, France Travail…) ou que les personnes accèdent à une nouvelle domiciliation. Dans d’autres cas, et en particulier pour les personnes venant d’Europe de l’Est, il est parfois nécessaire de repartir dans leur pays d’origine pour renouveler leurs documents d’identité. Ces mobilités peuvent mettre à mal la continuité de l’accompagnement. Malgré cela, les équipes d’ACINA maintiennent le lien autant que possible, par des efforts soutenus et parfois à distance.
Un impact concret et mesurable grâce au soutien du FSE+
Ce bilan met en évidence l’importance d’un accompagnement global, individualisé et collectif. Le rôle des travailleurs sociaux et des travailleuses sociales est central : ils et elles interviennent sur tous les volets de la vie des personnes accompagnées afin de permettre, progressivement, une insertion professionnelle viable. Les parcours ne sont pas toujours linéaires, et demandent de réadapter les situations et les ambitions pour trouver des solutions alternatives.
Ce travail n’aurait pas été possible sans le soutien financier du FSE+, qui a permis de déployer des moyens humains et logistiques adaptés à la complexité des situations rencontrées. De plus, bien que le projet se soit officiellement terminé le 31 décembre 2024, ses effets perdurent et de nombreux bénéficiaires continuent d’être accompagnés par ACINA en 2025, certains ayant trouvé un emploi ou intégré une formation depuis.
En soutenant ce type d’accompagnement, le FSE+ contribue à poser les bases d’une inclusion durable pour des publics éloignés de l’emploi.