Depuis 2021, ACINA intervient auprès des familles vivant sur un bidonville situé sur la Butte de Montarcy – Plaine de Pierrelaye, au sein la commune de Méry-sur-Oise (95), en coordination avec les autres acteurs intervenant sur le site. L’équipe accompagne les ménages sur les volets social et professionnel en vue de la résorption “par le haut” de ce bidonville où la situation sanitaire est particulièrement alarmante en raison d’une contamination des sols au plomb.
ACINA a été missionnée par la DDETS du Val-d’Oise pour la réalisation d’un diagnostic social visant à évaluer le nombre de familles présentes sur le terrain, les états d’avancement dans l’accès aux droits et les besoins en termes d’accompagnement social et professionnel, ainsi que pour accompagner ensuite ces familles dans le cadre d’une MOUS. Ce diagnostic a été rendu par ACINA en septembre 2020.
“45 ménages vivent sur le bidonville, ce qui représente 161 personnes. Certaines y vivent depuis plus de 20 ans. La situation sanitaire y est particulièrement alarmante, en raison d’une contamination des sols au plomb.” explique Anastasia Danina, travailleuse sociale spécialisée en insertion professionnelle dans le Val-d’Oise et chargée de la supervision de l’accompagnement global des ménages du PLIR de la Plaine de Pierrelaye.
L’intervention d’ACINA pour l’accompagnement global des ménages a démarré au début de l’été 2021. “Lorsque l’on a commencé à travailler avec les familles, nous faisions une visite de terrain hebdomadaire en équipe et ça pendant près de 3 mois, dans l’objectif de créer du lien et d’instaurer un climat de confiance avec les familles.” ajoute Anastasia.
Désormais, l’équipe maintient une visite terrain toutes les deux semaines et assure une permanence tous les lundis dans une salle mise à disposition par la mairie de Méry-sur-Oise, afin de pouvoir réaliser les entretiens de suivis tout en étant au plus proche des familles. “Le bidonville est difficilement accessible, les transports en commun éloignés, et certaines familles ne sont pas totalement autonomes s’agissant de la mobilité. Il s’agit de répondre à ces freins et d’assurer une stabilité et une régularité dans l’accompagnement. Pour une dame présente sur le bidonville en incapacité de se déplacer, les RDVs se font chez elle. Ces ajustements répondent à la méthodologie d’ACINA d’aller-vers les personnes.” explique Anastasia.
A l’heure actuelle “Au niveau des démarches sociales, tous les ménages ont déjà des droits ouverts, sont en renouvellement ou en première demande. Nous sommes presque sur un 100% en termes d’accès aux droits (santé, domiciliation, démarches hébergement/logement).” ajoute Anastasia. Concernant le volet emploi, un grand nombre de personnes présentes sur le terrain dispose d’un statut auto-entrepreneur et réalisent des travaux saisonniers. “L’équipe vient en appui si besoin pour les déclarations d’impôt ou autre démarche. Pour les autres personnes, il s’agit d’un accompagnement professionnel classique.” complète Anastasia.
Au cœur de la méthodologie d’action d’ACINA : un accompagnement individuel adapté aux besoins de chacun.e, complété par des actions collectives menées par les équipes ou par des partenaires qui bénéficient d’une expertise spécifique sur un sujet particulier. Ainsi, l’Agence Régionale de Santé (ARS) est intervenue plusieurs fois sur site afin de réaliser une sensibilisation à la COVID-19 et au saturnisme, ainsi que des prélèvements au sol et des dépistages pour évaluer les taux de plombémie. Il s’est avéré que la majorité des enfants étaient atteints de saturnisme, dont les conséquences sur la santé sont désastreuses (retard de développement, effets neurologiques, troubles de l’attention, diminution de points de quotient intellectuel, troubles digestifs, etc.).
“Des dépistages effectués sur les familles ayant vécu un moment à l’hôtel montrent une diminution du taux de plombémie. L’ARS a prévu un nouveau dépistage prochainement à la fois sur les personnes sur site et sur des familles ayant accédé au logement afin de mettre en parallèle les résultats et de montrer la nécessité du relogement.” ajoute Anastasia.
ACINA effectue un travail étroit de labellisation avec le service d’accès au logement social de la DDETS afin que les familles soient reconnues prioritaires dans le cadre du PDALHPD (Plan Départemental d’Action pour le Logement et l’Hébergement des Personnes Défavorisées) et ainsi faciliter l’accès au logement. La situation sanitaire particulièrement alarmante sur le site dû au taux de plombémie est un critère retenu pour cette labellisation.
“Depuis l’été 2021, 8 familles ont été reconnues prioritaires dans le cadre du PDALHPD, dont 3 ont obtenu un logement social et 6 dossiers sont en cours de finalisation. 2 familles se maintiennent en hôtel suite à une mise à l’abri en injonction. Ces derniers mois 5 familles ont ainsi accédé à une solution de logement, 4 en logement social et une en Solibail. Toutes les propositions de logement ont été faites dans le respect des souhaits émis par les personnes s’agissant des lieux : Cergy, Pierrelaye et dans l’agglomération.” précise Anastasia.
ACINA travaille étroitement avec plusieurs autres partenaires, comme sur l’ensemble de ses lieux d’intervention : des bénévoles de Médecin du Monde et d’ATD Quart Monde, mais aussi Solidarités International qui a notamment travaillé sur un projet d’installation d’un point d’eau. “L’eau n’a pas été installée sur le terrain directement, il y a quelques difficultés d’accès, mais les gens s’en servent.” Le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental de l’homme, reconnu sur le plan international. Pourtant, en France en 2021, plus d’un million de personnes n’avaient pas accès à l’eau potable. Dans un contexte sanitaire tel sur le terrain, auquel s’est ajoutée la crise sanitaire liée au COVID-19, faire valoir le droit d’accès à l’eau était un enjeu particulièrement important.
ACINA travaille également avec Ecole et Famille, une association qui accompagne les familles à la scolarisation des enfants. “Leur travail est essentiel. Il y a beaucoup de problématiques de maintien dans une scolarisation stable. Au-delà des conditions de vie précaires, les écoles sont éloignées du lieu de vie, engendrant la crainte des parents, à laquelle s’ajoutent des problématiques de mobilité.” explique Anastasia. ACINA et Ecole et Famille vont désormais partager la permanence de Mery-sur-Oise, permettant ainsi un renforcement du partenariat.
L’équipe d’ACINA dans le Val-d’Oise poursuit son travail d’accompagnement des familles présentes sur ce site en 2022, avec plusieurs projets et activités à venir, comme nous l’explique Anastasia “Nous poursuivons le travail de sensibilisation lié à la santé et en lien avec différents partenaires. La CPAM devrait bientôt intervenir sur site pour une sensibilisation bucco-dentaire auprès des habitant.e.s et nous continuons à travailler avec l’ARS sur les questions de saturnisme.
Par ailleurs, nous lancerons cette année un projet jeunesse sur site. Nous avons du mal à créer du lien avec les adolescent.e.s et souhaitons proposer un projet axé sur le sport, la culture et l’expression de soi, afin d’élargir le champ des possibles et de créer les conditions pour installer un climat de confiance. Les objectifs et activités diffèrent en fonction des tranches d’âges et nous dessinons depuis plusieurs mois les contours du projet sans pour autant qu’il soit figé car nous voulons faire participer les jeunes dans la construction de celui-ci.”
Enfin, pour Anastasia, si l’important travail mené sur le volet logement se poursuit dans ces conditions avec les partenaires, plus de la moitié des ménages pourraient être relogés dans l’année… des perspectives prometteuses, qui, nous l’espérons, ne seront pas remises en cause par une évacuation précipitée du lieu de vie.