À quand une priorité au logement social ?

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bonneuil (43 sur 46)

Ce n’est une nouveauté pour personne, il est devenu extrêmement difficile de se loger en France – en particulier pour les personnes les plus précaires.

Source – ici .

Ces dernières années, alors que les prix explosent dans le parc privé,  l’augmentation des demandes de logements sociaux n’a pas été accompagnée d’une hausse de la construction. 

Ce contexte de crise participe directement à maintenir à la rue ou dans des situations d’hébergement temporaires et précaires un grand nombre de personnes, notamment la majorité du public d’Acina, et ce pendant de longues années.

 

Sans baisser les bras, les équipes de TS d’Acina se donnent du mal et accompagnent plusieurs centaines de ménages par an dans leur parcours d’accès à un meilleur lieu de vie – en 2023, 116 ménages sont sortis de bidonvilles ou squats avec le soutien d’Acina vers un logement ou vers un hébergement temporaire. 

 

A quoi ressemble le difficile parcours vers l’accès au logement que doivent entreprendre les personnes accompagnées par Acina ? 

“Je suis arrivée en France en 2016 et depuis j’habite à la baraque [dans un bidonville] avec mes enfants et mon conjoint. Y’a pas d’eau, y’a pas l’électricité – y’a rien au fait !

C’est avec Acina que j’ai vu pour le logement. Ça fait 3 ans que j’ai déposé la demande de logement social. […] En plus, moi mon dossier il a été refusé 5 fois au DALO (Droit Au Logement Opposable) – on a fait le recours avec Mounia (travailleuse sociale d’Acina 95) et ça a finalement été accepté. 

J’ai reçu une lettre qui me disait qu’un bailleur allait me faire une proposition rapidement. Mais là, ça fait plus de 6 mois que j’attends, et le bailleur ne nous dit plus rien. ” 

 

Corina, accompagnée par Mounia (travailleuse sociale pour Acina dans le 95)

Comme Corina, ce sont chaque année plus d’une centaine de familles qu’Acina accompagne dans le dépôt de demandes de logement social. Il s’agit d’un formulaire spécifique ayant pour principales conditions d’éligibilité le fait d’être présent légalement en France et d’avoir des ressources ne dépassant pas un certain seuil. 

3 ans
(grand) minimum

– c’est le délai d’attente pour espérer obtenir un logement social en Île-de-France. A Paris, cette durée s’étend jusqu’à 10 ans pour un logement familial. (Source – ici)

Face à ces perspectives, qui découlent directement du manque de moyens donnés pour développer un parc social à la hauteur des besoins réels,  les équipes d’Acina mettent en œuvre tout ce qui pourrait contribuer à accélérer le processus. C’est l’objectif du Droit Au Logement Opposable (DALO) qui est une reconnaissance du caractère urgent de l’attribution d’un logement laquelle met dans l’obligation l’Etat de loger ces personnes de manière prioritaire.

Cependant, comme Mounia et Corina ont pu le constater, certains dysfonctionnements empêchent même les ménages prioritaires d’accéder rapidement à un toît digne.

 

Dans ce cas, il aura fallu 5 tentatives et un recours au tribunal administratif pour faire reconnaître les vulnérabilités de Corina et sa famille – pourtant évidentes. De plus, Mounia explique elle aussi que “depuis [la proposition du bailleur], c’est la croix et la bannière, avec Corina on arrête pas d’appeler chacune de notre côté mais impossible d’obtenir plus d’infos du bailleur alors que ça fait des mois… On n’a fait aucune visite, on ne sait pas quel logement a été réellement proposé.” – une situation qu’elle dit avoir malheureusement déjà rencontrée.  

A l’heure actuelle, Corina semble avoir plus de chance avec un second bailleur, indépendamment du processus DALO conçu pourtant spécialement pour aider les personnes dans sa situation.

En réalité, pour les personnes étrangères, le chemin vers un logement stable ne commence pas avec la demande de logement social. “Même si l’attente après la demande est déjà insupportablement longue, le travail en amont est tellement plus long et intense” souligne Mounia. 

 

Corina, qui est européenne, le dit bien : “Rien que pour faire la demande, c’est compliqué, il faut avoir la domiciliation, la carte vitale, le contrat de travail pour les ressources…” . Alors qu’elle est en France depuis 2016, elle n’a pu demander un logement social qu’en 2021 – soit 5 ans plus tard. 

Et ce n’est rien dire des personnes étrangères non européennes qui doivent en premier lieu obtenir un titre de séjour en France – une pluralité de démarches elles aussi très complexes et qui à elles seules s’étalent sur des années. 

Les obstacles à franchir pour simplement pouvoir déposer une demande de logement social sont nombreux – et sont souvent l’occasion de situations discriminatoires. Mounia appuie sur le fait que “sans ce problème de discriminations, on se battrait beaucoup moins dans notre travail. Dans toutes les institutions on peut tomber sur des personnes qui auront par exemple une histoire à raconter sur un Roumain voleur, et qui se permettent de donner leur avis sur qui mérite des droits ou non”.  C’est d’ailleurs une situation qu’a dû affronter Corina avant d’être orientée vers Acina.

Pendant toutes ces années, voire décennies, il est très difficile d’éviter des situations de rue.

Les travailleur.euses social.es d’Acina luttent pour trouver des solutions d’hébergement temporaires, mais  le système d’hébergement d’urgence est dans un état tout autant critique : malgré un réel effort ces dernières années, les places disponibles restent en nombre très insuffisant, et les problèmes d’insalubrité ou de cohabitation dangereuse sont fréquents. 

Pour toutes ces raisons, lorsque des années voire des décennies d’efforts et de galère débouchent enfin sur l’obtention d’un logement social, décent et stable, c’est la fête à Acina.

“On prend toujours le temps d’aller visiter le logement des personnes qu’on accompagne après qu’elles l’ont obtenu, pour les féliciter encore une fois et leur dire qu’on est vraiment heureuses pour elles. Souvent, les gens nous invitent à manger chez eux. Il y a quelque chose de particulier à être ensemble dans ce logement pas encore entièrement meublé – après tous ces efforts ensemble, on se dit “waouh, c’est bon, c’est là!”, c’est comme difficile à croire mais c’est vraiment super!” – Mounia, TS dans le 95

Le travail d’Acina autour du logement ne se finit pour autant pas tout à fait à ce moment-là. Conforme à son engagement à proposer “un accompagnement renforcé qui vise à donner toutes les clés pour gérer toutes les strates de sa vie sur le long terme”, comme le formule Mounia, les équipes d’Acina proposent aussi différents ateliers autour de la gestion du loyer, des charges et des assurances, des droits des locataires, etc.

La crise du logement social et de l’hébergement d’urgence, ainsi que plus généralement de la complexité administrative imposée aux étrangers en France, se traduit par des années, voire des décennies, passées à la rue pour des milliers de personnes. 

 

Alors qu’un nouveau gouvernement vient d’être nommé, Acina appelle à faire du respect du droit fondamental à un logement digne une priorité..