Ce mois-ci, nous vous présentons l’histoire de Florentina, accompagnée par ACINA depuis deux ans. Florentina est arrivée en France avec son mari et la famille de ce dernier il y a à peu près dix ans. Elle a quitté la Roumanie « parce que la vie là-bas était très difficile ». Depuis qu’elle est arrivée, elle nous confie avoir « toujours essayé d’avancer dans la société ici » : apprendre le français, accéder à ses droits, trouver un emploi ou encore scolariser son fils. Florentina a pris le temps de nous raconter son histoire et son parcours d’insertion en France.
« J’avais 17 ans quand je suis arrivée en France, j’avais fait tout mon collège en Roumanie mais je ne parlais pas français. J’ai appris à parler français toute seule. », nous raconte Florentina.
Florentina a connu la vie en bidonville pendant une dizaine d’années. Elle explique que la famille a habité 3 ans sur un bidonville, mais les temps de vie sur les suivants se comptent en mois.
« De 2010 à 2020, nous avons vécu sur plusieurs bidonvilles. Nous avons toujours vécu dans le département du 91, mais à cause de toutes les expulsions nous étions obligés de changer d’endroit à chaque fois. 7 mois, 8 mois, 5 mois, je crois que j’ai connu au moins cinq ou six expulsions. Ça crée des ruptures dans les parcours. Nous n’avions jamais de place à l’hôtel, quand les expulsions avaient lieu, sauf la dernière fois, nous avons eu une place dans un hôtel à Savigny sur Orge où nous avons vécu 4 mois avant d’avoir ce logement social. »
Denis, le fils de Florentina qui a aujourd’hui 7 ans, est né en France. Lorsque Denis a eu l’âge d’aller à l’école, Florentina a rencontré plusieurs difficultés pour le scolariser.
« C’est aussi quand je suis tombée enceinte que j’ai appris à parler français, j’en avais besoin pour tous les rendez-vous à l’hôpital. J’ai essayé plusieurs fois de l’inscrire à l’école mais c’était très compliqué, on habitait par ici, par-là, car les bidonvilles sont toujours cassés (NDLR : expulsés). Mais aussi parce qu’on me demandait toujours plus de papiers, plus de preuves pour l’inscription et je n’avais pas encore la domiciliation au début car la mairie nous la refusait. Je l’ai eu en 2018. »
Florentina a été orienté vers ACINA par des bénévoles venus sur le terrain sur lequel elle vivait
(NDLR : Florentina ne se souvient pas du nom de la structure)
« Les bénévoles m’ont parlé d’ACINA et m’ont donné un numéro, j’ai appelé pour demander un rendez-vous. Avant d’être suivie par ACINA, j’avais une domiciliation, un dossier déposé à la CAF mais pas de droits ouverts et un statut d’auto-entrepreneur que j’ai ouvert toute seule pour pouvoir vendre des marchandises dans des brocantes. J’y vendais des vêtements de seconde main, mais avec la COVID, j’ai fermé mon auto-entreprise parce qu’il n’y avait plus de brocantes, plus de possibilité de vendre. Je n’avais plus de travail, seulement mes allocations CAF. »
Florentina a commencé à être suivie par ACINA en 2019. Diara Babou, travailleuse sociale chez ACINA à l’antenne 91 a ensuite repris le dossier de la famille et a accompagné Florentina sur sa demande de logement social.
« D’abord chez ACINA j’ai été suivie par Dianing Jean (NDLR : ancienne travailleuse sociale à l’antenne 91 d’ACINA), elle m’a aidé à faire la carte vitale, la Couverture Maladie Universelle et à ouvrir mes droits à la CAF. Nous avons appelé un avocat, fait un recours administratif pour le logement social et Diara a aussi aidé mon mari à ouvrir les droits CAF. »
Aujourd’hui, Florentina et sa famille ont réussi à obtenir un logement social.
« Nous avons signé le bail le 29 février 2021. Je travaille en CDI dans une société de nettoyage de bureaux à temps partiel. Le travail se passe bien, j’ai commencé le 1er février 2021. Mon mari travaille dans la charpente pour des particuliers, il aimerait ouvrir sa société mais il faut de l’argent pour le faire, il essaie de trouver des associés. Après beaucoup de difficultés par rapport à la domiciliation, demande de preuves, etc., mon fils est scolarisé et ça se passe bien pour lui. »
Depuis février dernier le suivi est ponctuel, Florentina appelle parfois Diara lorsqu’elle a besoin d’explications ou d’aide pour son dossier CAF notamment. Il arrive que Florentina aide à son tour des personnes qu’elle connaît et qui vivent en bidonville.
« Pour certains papiers ou accès aux droits, si je peux, je les aide. »
Au fil de son parcours depuis son arrivée en France, Florentina a pu rencontrer certaines difficultés dont elle nous a fait part lors de nos échanges.
« Les ouvertures de droits en général ont été assez longues, avec l’assurance maladie ça va, mais la scolarisation de Denis et l’obtention d’un logement social, c’était vraiment galère, il y a beaucoup de papiers, beaucoup d’attente. J’ai aussi connu le racisme, lorsque je sortais ma pièce d’identité parfois on me disait « Ah oui vous êtes roumaine ». La semaine dernière par exemple j’ai appelé l’assurance maladie pour la carte vitale, la dame m’a dit qu’elle ne trouvait pas mon dossier, alors que j’avais reçu un accusé de réception, elle m’a raccroché au nez sans explication. »
Son avenir, Florentina le voit en France.
« Je veux rester ici, c’est une autre vie. Pour l’instant j’ai commencé un travail, j’aimerais peut-être à l’avenir en trouver un mieux payé car aujourd’hui mon salaire est de 800 et quelques euros et le loyer du logement social est de 517 euros par mois, je suis en attente des APL. »
Sur le ressenti de l’accueil en France, Florentina ne veut pas faire de généralités.
« J’ai rencontré beaucoup de personnes très gentilles qui m’ont beaucoup aidé, j’ai aussi fait face à des personnes moins accueillantes, mais je veux dire merci à toutes les personnes qui m’ont aidé pour mon logement social, j’ai beaucoup galéré pour sortir du bidonville ».
Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose ?
« Oui, merci à l’équipe de Corbeil-Essonnes et j’aimerais dire qu’ACINA est vraiment une bonne association, qui fait son travail, qui aide toutes les personnes. Je veux aussi dire que les gens qui sont accompagnés doivent bien aller à tous leurs rendez-vous, il ne faut pas baisser les bras, sinon on ne s’en sort pas. »