Corina partage avec nous son long parcours, marqué par les obstacles et les situations discriminatoires, vers un accompagnement digne et l’accès au logement. Mounia, la travailleuse sociale qui l’accompagne dans le 95, se joint à elle pour préciser quelques détails techniques.
« Je suis arrivée en France en 2016 et depuis j’habite à la baraque [dans un bidonville] avec mes enfants et mon conjoint. Dans la baraque, y’a pas d’eau, y’a pas l’électricité – y’a rien au fait ! Mes ados ils sont asthmatiques, l’humidité de la baraque ça leur fait beaucoup de mal. Mon conjoint il est handicapé.
Au fait, je t’explique : moi j’ai eu une première expérience négative avec un assistant social qui me disait tout le temps que je ne pouvais pas faire certaines démarches, que ça n’allait pas marcher. Je crois qu’il était raciste – avec les autres il faisait des choses mais avec moi, c’était toujours « toi, tu ne peux pas ». Rien n’avançait alors j’ai dû faire beaucoup toute seule de mon côté. Au début, je ne parlais pas français alors j’ai trouvé des stages puis des formations pour le travail toute seule. Même mon CDI j’ai dû le trouver toute seule ! A un moment, j’en ai eu marre et j’ai demandé au CCAS de changer d’assistant social.
C’est sur leur recommandation que je suis arrivée à Acina. Ici je trouve qu’ils s’occupent très bien des personnes, ils sont gentils, ils expliquent, ils forcent et ça se voit qu’ils donnent de leur intérêt à nous accompagner. Avec l’autre c’était tout le temps : « tu viens, tu peux pas, au revoir merci. » Là c’est différent. Aussi, ce qui est bien avec Acina, c’est que les filles [les travailleuses sociales] elles viennent voir où on habite et comme ça elles aussi disent que non, c’est pas possible de vivre dans ces conditions. Moi je veux rester ici pour l’assistance sociale. Et c’est pour ça aussi que j’amène Ecaterina [sa belle-soeur, que Corina accompagnait à un rendez-vous chez Acina].
C’est avec Acina que j’ai vu pour le logement. Ça fait 3 ans que j’ai déposé la demande de logement social. Rien que pour faire la demande, c’est compliqué, il faut avoir la domiciliation, la carte vitale, le contrat de travail pour les ressources et après c’est des années d’attentes. En Roumanie si tu es pauvre c’est aussi compliqué pour le logement, c’est des années d’attente, mais pour le reste c’est quand même plus simple, ici tout est compliqué. En plus, moi mon dossier il a été refusé 5 fois au DALO [Droit Au Logement Opposable] – on a fait le recours avec Mounia [travailleuse sociale d’Acina 95] et ça a finalement été accepté. J’ai reçu une lettre qui me disait qu’un bailleur allait me faire une proposition rapidement. Mais là, ça fait plus de 6 mois que j’attends, et le bailleur ne nous dit plus rien. Là j’ai enfin eu une proposition de visite, mais d’un autre bailleur, ils doivent m’appeler pour aller faire la visite puis décider s’ils choisissent mon dossier ou non. J’espère que ça va marcher, la baraque c’est très dur – pour les enfants surtout, il n’y a pas d’eau et il fait froid. Pour aller à l’école c’est difficile d’être propre, ça ne va pas. »
Par la suite, Mounia qui accompagne Corina à Acina depuis plusieurs années, précise cette situation :
« Après plusieurs échecs à obtenir le DALO pour Corina, on a décidé de déposer un recours injonction au tribunal administratif car on ne comprenait pas qu’elle et sa famille ne soient pas reconnus prioritaires. En février 2024, le recours réussissait ! Un mois après le recours, Corina a reçu une proposition de logement de la part d’un bailleur social. On était très contentes que ça soit aller aussi vite, généralement c’est plus long.
Mais depuis, c’est la croix et la bannière, avec Corina on arrête pas d’appeler chacune de notre côté mais impossible d’obtenir plus d’infos du bailleur alors que ça fait des mois… On n’a fait aucune visite, on ne sait pas quel logement a été réellement proposé. Et malheureusement, ce n’est pas la première fois que je vois ça. »