Pour beaucoup d’enfants, ce n’était pas la rentrée…

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:Actualités

Que peut-on faire face aux difficultés à entrer et se maintenir à l’école rencontrées par les enfants vivant en bidonville ?

Les 15 à 25 000 personnes habitant dans des bidonvilles ou des squats sont pour la plupart des familles avec enfants, originaires de Roumanie ou de Bulgarie, qui fuient les discriminations et les difficultés économiques dont elles souffrent dans leur pays d’origine. 

Moins d’un enfant vivant en bidonville sur deux est scolarisé, et l’assiduité est rarement effective.

Quand ils ne sont pas à l’école, les enfants sont parfois livrés à eux mêmes sur le bidonville, parfois ils vont faire la mendicité, parfois ils accompagnent leurs parents à la ferraille… Ce n’est pas une vie d’enfant. – Nathalie Bourguignon, directrice de programmes pour Acina en Essonne (91).

Pour éviter la reproduction de la pauvreté de génération en génération, mais aussi pour garantir dès à présent aux enfants un environnement éloigné des préoccupations de survie, Acina et ses partenaires luttent pour garantir à tous et à toutes le respect du droit à l’éducation.

 

Diverses embûches spécifiques à l’extrême précarité permettent de comprendre pourquoi ce qui peut apparaître comme une démarche “automatique” est en réalité un parcours du combattant pour ces enfants. 

Au moment d’entrer à l’école, divers obstacles peuvent se présenter : 

  • Des pratiques discriminatoires, comme le refus de certaines mairies de scolariser ces enfants ou bien des exigences de documents abusives et décourageantes au moment de l’inscription.

  • Un contexte de survie des familles, qui empêche certaines de faire de l’école une priorité.

  • Une mobilité difficile depuis des lieux de vie excentrés et non desservis par les transports scolaires.

  • Beaucoup de frais indirects, comme la cantine, les fournitures etc.

Une fois à l’école, les difficultés continuent : 

  • Les fréquentes expulsions de terrain, décidées sans considération pour la stabilité scolaire, qui contraignent régulièrement les familles à l’errance, rendant impossible le maintien à l’école. Chaque expulsion conduit à plusieurs mois de déscolarisation.

  • Un accès difficile aux classes spécialisées, pourtant nécessaire pour les enfants qui n’ont pas été scolarisés dès 3 ans et qui parlent peu français à leur arrivée en classe. 

  • Un vrai risque d’être victime de harcèlement de la part de camarades n’ayant pas été sensibilisés à la réalité de la survie en habitat précaire et aux raisons des migrations. 

  • L’isolement des enfants face aux devoirs

  • La crainte de l’enquête sociale, que peuvent entraîner des absences fréquentes si les chef.fes d’établissement ne sont pas sensibilisés aux difficultés énormes que doivent surmonter chaque jour les enfants pour venir à l’heure à l’école.

Pour autant ce n’est pas une fatalité, et de beaux parcours scolaires sont possibles lorsque les conditions d’une fréquentation régulière sont réunies. Acina et ses partenaires en ont bien conscience et se mobilisent pour favoriser les parcours vers et dans l’école.

 

Nathalie Bourguignon, directrice de programmes pour Acina en Essonne (91), explique qu’Acina, dans le cadre de son programme dédié – le projet Skola-, repère les enfants non scolarisés, sensibilise les familles et accompagne les parents dans les démarches d’inscription. Elle lutte contre les refus d’inscription abusifs, par la médiation et, s’il le faut, par le contentieux. L’association peut aussi intervenir auprès des chef.fes d’établissement pour trouver des solutions aux difficultés rencontrées en cours de scolarisation.

 

D’autre part, Acina a monté, en coopération avec l’association Chemins d’Enfance, un projet innovant pour préparer à l’école avant l’école.

“Ce qu’on fait avec Chemins d’Enfance, c’est arriver sur le bidonville avec un grand tapis et des jeux. En début d’atelier, on met en place un quelques règles de savoir-vivre à respecter (on arrête de se taper, on respecte le chacun son tour…) que les enfants qui vont à l’école depuis toujours ont déjà acquis mais que ces enfants n’ont pas acquis.  Puis on fait une heure de jeu libre et ensuite on essaie de mettre en place des temps de jeu plus dirigés, avec des comptines, des jeux demandant l’utilisation de vocabulaire en français…  Ils travaillent aussi la motricité fine, comme la tenue d’un stylo. […] On a des enfants qui sont super outillés, peut-être pas en écriture, mais si tu leur donnes des jouets à assembler ils le font plus facilement que nous [adultes connaissant les jeux], ils parlent aussi plusieurs langues… “ détaille Nathalie.

Cependant, Nathalie précise qu’à Acina “nos projets d’accompagnement ne concernent pas que la scolarisation mais ont une approche plus globale qui touche plus généralement à l’enfance et à la parentalité. Cela inclut d’une part l’accès aux droits, c’est-à-dire l’accompagnement socio-professionel des parents pour améliorer et stabiliser les conditions de vie de toute la famille. Il y a aussi des ateliers collectifs ou des entretiens individuels sur la parentalité pour sensibiliser les parents aux besoins des enfants dans différents contextes. Et la scolarisation, c’est un troisième volet.” 

En effet, plus la situation de la famille s’améliore, moins il y a de freins liés à la précarité, et plus il est facile de mettre en place une scolarisation continue. L’accompagnement socio-professionnel global des familles est donc le meilleur levier pour favoriser une scolarisation stable.

C’est ce que met aussi en avant l’expérience de Sorina, qui a accédé à l’emploi et au logement avec Acina. Son fils Giovani, qui n’était pas scolarisé quand la famille vivait en bidonville, est entré au CP, dans une école primaire de l’Essonne,une fois que ses parents ont obtenu un logement. Il a maintenant 11 ans et vient de rentrer en CM1.

“ [ La première inscription de mon fils à l’école ] n’a pas pris beaucoup de temps. J’ai eu une assistante sociale d’Acina qui s’est occupée de moi, elle a parlé à la mairie au téléphone puis moi aussi je suis allée à la mairie pour faire l’inscription. J’ai fait l’inscription le matin et, dans l’après-midi, ils m’ont dit que je pouvais emmener mon fils à l’école. […]

Au début, mon fils ne parlait pas beaucoup français. Quand il était plus petit [avant ses 6 ans] je n’avais pas la maison, et on restait à la baraque [au bidonville]. Quand il est arrivé à l’école, en 3 mois il parlait parfaitement ! […]

Mon fils aime beaucoup de choses. Il est petit mais il a déjà quelque chose dans la tête. Il a dit qu’il voulait être professeur, comme sa maîtresse. C’est pas sûr, et puis c’est pas moi qui décide. Moi je lui ai dit : Je te donne toutes les conditions, je travaille, j’ai la maison, je paie pour l’école. Pour moi, quand j’étais petite, c’était très difficile, mes parents n’avaient pas d’argent, pas de travail, c’étaient pas du tout les mêmes conditions que pour mon fils maintenant. Et les écoles dans mon pays étaient toutes payantes. Je dis à mon fils, dis merci que je travaille pour toi, et après c’est toi qui décide ce que tu vas faire. “

Pour en savoir plus sur le parcours du combattant vers l’école des enfants vivant en habitat précaire, vous pouvez consultez :